Mais qui se cache derrière cette contrebande? (chronique BD)

Singe gangster

Si j’étais millionnaire, il y a trois choses que j’achèterais compulsivement: des chapeaux (que je porte depuis mes 16 ans), des albums de musique (tout format)… et des bandes dessinées. Il n’y a aucun doute là-dessus. J’aurais un char usagé, mais une asti de bédéothèque. Mais voilà, je suis encore loin d’être millionnaire – même le salaire moyen québécois (environ 44 000$) n’est pas encore à ma portée, ce qu’il fait que je puise la majorité de mes lectures des bibliothèques. Et j’ai peur. Je commence déjà à entrevoir le tour du propriétaire.

Cette semaine dans la chronique BD, survol de deux coquins voleurs bien québécois, d’un prince reniant ses racines royales et de deux Romains pas si divertissants que ça.

Lionel et Nooga

Lionel et Nooga – Bandes et contrebande
Duguay, Goulet, Vaillancourt
Les 400 Coups

Je suis content d’avoir lu cette bande dessinée. C’est que le dessinateur, Ghyslain Duguay, est un gars de Sept-Îles, et dans le cadre de mon travail, j’ai eu à m’intéresser à son travail un peu, alors qu’il lançait un site Internet pour leur ouvrage. Restons avec le dessin. Les traits m’ont replongé dans mon enfance, quand je dévorais les Spirou, les Natacha et les Jerome K. Bloche. Le crayon est typiquement européen et me rappelait sans cesse les illustrateurs de ces héros (surtout Janry dans Spirou). Des clins d’oeil à cette école sont d’ailleurs présents, comme à Tintin ou Lucky Luke. Cadrage dynamique, un dessin bien vivant. Et parfait pour le ton du livre, qui est somme tout léger et surtout divertissant.

Pour l’apprécier, il ne faut justement pas le prendre autrement que pour le divertissement. Probablement que la belle jeunesse y trouve davantage son compte. La BD ne m’a pas déplu en soi, il y plusieurs références historiques bien amusantes dans cette aventure de Lionel et Nooga, deux petits malfaiteurs québécois pas bien méchants qui tombent malgré eux en plein milieu d’une histoire de révolutionnaires sud-américains, au beau milieu des années 50. Toutefois, j’aurais resserré un peu le scénario, je trouve qu’il y a des intrigues superflues, des scènes qui n’apportent rien, une attention disproportionnée à certaines personnes bien secondaires.

Mais je salue l’effort qui a donné une bien belle bande dessinée. Si j’étais tombé dessus à 13 ans, j’aurais sûrement trippé.

Les Aigles de Rome 2

Les Aigles de Rome – tome 2
Marini
Dargaud

Pourquoi ai-je lu cette suite? Je n’avais pas tant aimé le premier tome, comme je le disais ici. Il faut dire que je suis toujours aussi charmé par la qualité graphique de l’ouvrage. La précision du trait, la qualité de l’encrage et du coloriage, la subtilité de la lumière, la recherche historique, il y a vraiment un travail soigné pour le visuel de la bande dessinée. Je ne peux malheureusement en dire autant pour le scénario, encore une fois.

Après cette longue présentation et mise en contexte, dans le premier tome, des deux personnages principaux, deux soldats romains, l’un d’un père Romain et d’une mère Gauloise, l’autre purement Goth, mais élevé chez les Romains, je m’attendais à ce que l’histoire déboule dans cette suite. Surtout que la fin du premier tome annonçait un récit épique et d’effroyables déchirements entre ces deux frères de sang comme Hollywood nous le pond souvent. Mais non, il n’y a même aucune allusion à cette révélation-choc (mais prévisible) du premier tome. C’est plutôt une longue et peu motivante histoire d’un soldat prêt à renier son devoir et son pays pour une femme qu’il aime tant. Sauf que Rome est un vieil empire et les rouages du pouvoir sont remplis de relations incestueuses et de trahisons. Le pire, c’est que cette trame de fond peut vraiment donner du jus à une histoire, mais là, c’est juste du déjà-vu. Zzz.

Là, c’est sûr, je ne lis plus aucune suite de cette série. Ma deuxième chance a été donnée.

Le chat qui courait sur les toits

Le chat qui courait sur les toits
Hausman, Rodrigue
Signé (Le Lombard)

Je l’ai déjà dit, la collection Signé en est une de qualité. Les auteurs y ont carte blanche et s’y donnent à coeur joie. Ici, on tombe presque dans une fable de Jean de La Fontaine. Pas que toute l’histoire ne cache qu’une simple morale, mais il y a ce quelque chose de vertueux, de magique et d’unique qui fait que ce récit du prince héritier s’approche énormément de la fable.

Le petit prince a une capacité particulière: il regarde un et hop! son visage se transforme en tête de chat. Il regarde un renard et hop! son visage se transforme en tête de renard. Et ainsi de suite. Il ne contrôle pas ses transformations et la famille royale ne s’en remet évidemment pas. Le prince finit par se sauver et aboutit dans une troupe de théâtre pour qui ces visages animaliers leur servent bien. Il y a bien sûr la grande finale qui le ramène dans son patelin originel et là, la Vertu avec un V brille de tous ses éclats.

Le tout est vraiment très bien raconté, avec beaucoup d’humanité et le tout demeure dans une relative plausibilité. On ne pousse jamais vraiment la psychologie des personnages, et pourtant on n’a pas l’impression de faire face à des personnalités unidimensionnelles (ce qui est pourtant le cas, lorsqu’on y pense). Le dessin aussi comporte son lot de subtilité. Le trait est légèrement nerveux, la coloration a visiblement été faite directement sur les planches, sans encrage. C’est en somme une petite douceur qui se consomme avec une certaine joie, tout aussi douce et calme.

*publié simultanément sur labarbe.ca.
** image de l’entête de Matt Cioffi

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